On trouve de plus en plus d'applications pour la numérisation de factures et autres pièces comptables à faire avec n'importe quel smartphone.

C'est super pratique : une photo et c'est terminé, le document est archivé.

Parfois, l'application propose même l'OCR (la reconnaissance des caractères).

Avec ça, plus besoin de s'encombrer de toute la paperasse chez soi ou à son bureau.

Oui, sauf que…

Qui s'est penché sur ce que disent les textes de loi en France ?

L'article A102 B-2

Les conditions sont détaillées dans l'article A102 B-1, puis précisé dans l'article A102 B-2 du livre des procédures fiscales.

I. – Le transfert des factures établies originairement sur support papier vers un support informatique est réalisé dans des conditions garantissant leur reproduction à l'identique. Le résultat de cette numérisation est la copie conforme à l'original en image et en contenu.

Les couleurs sont reproduites à l'identique en cas de mise en place d'un code couleur. Les dispositifs de traitements sur l'image sont interdits.

En cas de recours à la compression de fichier, cette dernière doit s'opérer sans perte.

La grande majorité des applications «scanner» effectuent un traitement sur la photo. En général, la photo est recadrée et un filtre est appliqué pour faire ressortir le texte.

Est-ce qu'il faut alors obligatoirement utiliser un scanner matériel, sous peine de n'avoir ni la qualité ni la fidélité réclamés dans les textes ?

Second point, la compression du fichier. Votre photo sera très certainement intégrée au PDF dans le format d'image JPEG. Et c'est un format qui perd beaucoup d'information et peut détériorer fortement votre image. Pour du texte, ce n'est pas très grave, mais on peut quand même s'interroger sur la question de «s'opérer sans perte».

Quand c'est possible, préférez enregistrer vos documents au format PNG.

Le format PDF/A

Je passe la seconde partie qui traite de la conservation des documents. La troisième et dernière traite du seul format de fichier accepté : le PDF.

III. – Afin de garantir l'intégrité des fichiers issus de la numérisation, chaque document ainsi numérisé est conservé sous format PDF (Portable Document Format) ou sous format PDF A/3 (ISO 19005-3) dans le but de garantir l'interopérabilité des systèmes et la pérennisation des données [...]

Ça commence bien : la norme s'écrit PDF/A. Donc PDF/A-3 pour la version citée (il y a eu PDF/A-1, PDF/A-2, et PDF/A-4 à venir).

PDF/A défini simplement les règles à respecter pour l'interopérabilité entre tous les logiciels. Le numéro derrière indique quelle est la version.

Il est très probable que votre outil de création de fichiers PDF soit déjà compatible.

Ce qui est vraiment curieux est de préciser d'abord le format générique, puis ensuite une version très précise de la norme. C'est comme dire « Vous utilisez soit de la peinture, soit de la gouache rouge ».

Le format PDF est de toutes façons réputé pour sa compatibilité et la fidélité de restitution. Sauf quand on s'amuse à intégrer des formulaires ou que la conversion est faite n'importe comment.

En général, il n'y a pas de problème, surtout pour des images comme c'est le cas ici. Les seuls problèmes que j'ai pu avoir avec, ça a été avec les fichiers de l'administration. Et il y a bien longtemps !

Le certificat numérique

Dernière partie obligatoire : s'assurer que le document consulté soit bien identique à celui créé initialement.

Le document devra alors respecter les conditions suivantes :

1° D'un cachet serveur fondé sur un certificat conforme, au moins au référentiel général de sécurité (RGS) de niveau une étoile ;

2° D'une empreinte numérique ;

3° D'une signature électronique fondée sur un certificat conforme, au moins, au référentiel général de sécurité (RGS) de niveau une étoile ;

4° Ou de tout dispositif sécurisé équivalent fondé sur un certificat délivré par une autorité de certification figurant sur la liste de confiance française (Trust-service Status List-TSL).

Chaque fichier est horodaté, au moins au moyen d'une source d'horodatage interne, afin de dater les différentes opérations réalisées.

Ce n'est pas parfaitement clair, et je pensais au début qu'il fallait respecter l'ensemble des points 1, 2, 3 et 4. Mais, à la relecture du 4e point, il me semble que remplir une seule de ces conditions est nécessaire.

C'est très technique et plutôt révélateur de l'état d'esprit du pays des normes, des règles et des certifications. « Faites confiance, mais surveillez ». Surveillez tout court, en fait.

L'important est de s'assurer de trois choses en fait :

  1. Que l'historique complet de la vie du document soit disponible, en cas de modification par exemple ;
  2. Avoir une preuve que le document n'a pas été modifié ;
  3. Pouvoir dater, de façon fiable, le document.

Et là, il y a fort à parier que de nombreuses applications «scanner» ne soient pas du tout adaptées.

Enregistrer simplement sur le cloud ne garantie pas et ne rend pas vérifiable :

  • que la date indiquée est fiable (pour peu qu'elle soit indiquée) ;
  • que le document que je consulte soit exactement identique à celui que j'ai envoyé.

Gardez tout, c'est plus sûr

À mon sens, vous feriez bien de conserver les documents papier quand c'est possible. Ça prend de la place, et en fonction du type de document, il faut les garder entre 6 et 10 ans.

La numérisation vous assure une sécurité contre les risques de tout perdre en cas d'incendie ou après un dégât des eaux.

Gardez le côté pratique de la numérisation pour le quotidien : exploiter les données, les retrouver facilement, l'archivage, la transmission à vos collaborateurs et votre comptable.

Mais ne jetez pas vos feuilles à la poubelle.

Quand on sait que les contrôles sont menés à charge en France, se débarasser des documents originaux est, je pense, risqué.